• Le Ballet

    Dans un crissement aigu difficilement soutenable et avec deux ou trois secousses brusques, le train s’arrête enfin. Station terminus. Je descends sur le quai désert et je suis tout de suite ébloui par le soleil, le soleil qui accapare l’attention dans ce ciel ou les nuages tentant de s’attarder un peu à l’horizon sont inlassablement chassés par cette bise qui souffle fort en cette journée de mai. Un coup d’œil à ma montre. 15h37. La gare, cette bâtisse grisâtre aux volets cramoisis par le temps, est tout à fait inhospitalière. Parfait, je me dis, me voilà enfin arrivé.
    Après un début d’année chaotique, j’ai senti le besoin de prendre des vacances, seul. J’ai emprunté la clé de la maison de vacances de Léna, une amie d’enfance, et me voilà dans cette vallée recluse, emmurée de toute part par des collines dénudées s’ouvrant sur un magnifique lac. Ce n’est pas mon premier séjour ici, ainsi le chemin m’est familier et bientôt, je reconnais le muret blanc entourant la propriété. Curieusement, les volets sont ouverts. Sûrement un oubli de la part de Léna.
    Je dépose ma valise dans le vestibule sombre. Devant moi, la salle de séjour, communiquant avec une cuisine et deux chambres séparées par une salle de bain. Au fond, une généreuse baie vitrée offre une vue à couper le souffle sur le lac.
    Je sors sur la terrasse. À quelques mètres de moi seulement : le rivage. J’ai une furieuse envie de me baigner.
    Il y a ce ponton de bois, retenu par de vieux pilots métalliques qui disparaissent dans l’eau pour pénétrer dans le fond vaseux du lac. J’avance sur les planches qui grincent sous mes pieds nus. Autour de moi, les vagues semblent m’inviter à coup de clapotis secs le long des berges caillouteuses. La rive en face, brutale, lorsque le lac vient butter sur la falaise à pic. Et l’eau et la roche de se mélanger dans une rencontre charnelle, presque violente. Ces arbres isolés, gisant un peu plus haut, à l’allure difforme, comme écorchés sous les assauts continus du vent.
    Et puis je plonge. Mon visage, la sensation de l’eau glacée sur mon visage. Puis sur le reste de mon corps. C’est comme si chaque parcelle de ma peau se ranimait au contact de l’eau.
    Petit à petit, mes membres se mettent en branle, puis me portent vers le large. Je nage jusqu’à ce que je sente mon corps se réchauffer. Je remarque à une dizaine de mètres devant moi une nageuse regagnant la rive. Elle s’approche, je vais la croiser. Nos regards se fixent brièvement avant d’être emportés, arrachés par le lac. Un peu plus loin, une douleur lancinante me traverse le pied. Je me dis qu’il est temps de faire demi-tour avant que je sois paralysé par d’autres crampes. En escaladant la petite échelle tenue à la dernière planche, je sens mes bras maigres mais noueux, alertes. J’ai le cœur qui bat fort dans ma poitrine. Je vis.

    En remontant vers la maison, je crois percevoir des mouvements derrière les fenêtres. Au début, je mets ça sur le compte des reflets du soleil contre la vitre qui m’aveugle à demi. Mais quand je vois des traces mouillées sur les dalles en bétons de la terrasse, je me dis qu’il y a un intrus dans la maison. En avançant encore, je la vois, la nageuse.
    Je remarque d’abord ses longues jambes fines, comme ses hanches, dessinées semble-t-il pour attirer la convoitise. Des traits marqués sur un visage jeune. Que fait-elle là? Ses cheveux noirs descendent en cascade sur ces épaules trop frêles pour être réelles, presque factices. Mais ces gestes ! Ces gestes, eux, sont loin d’être factices. Choquants, lorsqu’elle passe ce linge écarlate sur ses bras puis sur ses jambes qui se soulèvent pour faciliter le mouvement. Choquants, oui, mais pourtant si fluents si précis. on dirait une ballerine.
    Qu’est ce que je fais ici ? Désormais, j’ai l’impression d’être l’intrus. Elle n’a pas encore remarqué ma présence. Elle poursuit avec une grâce spontanée, comme si ces gestes de ballet, parfaits, étaient naturels. Moi, je sais ma situation précaire. Un coup de tête de sa part et me voilà découvert. Un voyeur. Je ne suis rien de mieux qu’un voyeur. Mais je ne puis bouger ! Je suis subjugué, presque obnubilé par le spectacle devant moi.
    Elle me tourne désormais le dos et je vois avec crainte ses mains glisser depuis ses hanches jusqu’à ses épaules, écartant les cheveux, se dirigeant inéluctablement vers les attaches de son maillot de bain. Ce dos nu offert. Je ne sais qu’en faire. Je peux juste attendre, attendre que le charme veuille bien passer. Elle se tourne pour ramasser le soutien-gorge posé sur un canapé. Ces hanches légèrement rebondies, et ce ventre accompli qui se laisse deviner. Puis ses petits seins provocants, presque impertinents. Mais que fait-elle ! Ne se doute-t-elle pas que quelqu’un peut la voir en ce moment ?  Que je peux la voir ?
    Dans une lutte terrible pour revenir à moi, je prends le courage et la volonté qui me reste pour frapper à la vitre. Elle me voit et se couvre rapidement de son linge avant de m’ouvrir. Elle me dit avec un sourire gêné que je lui ai fait peur. Ça ne m’impressionne pas, il ne faut pas que je retombe sous son charme. Je lui demande d’une voix faussement soutenue ce qu’elle fait là. Elle me demande en retour si je suis bien Joaquim, et je dois dire que je suis tout à fait pris au dépourvu. Je la laisse s’expliquer et j’apprends qu’elle possède une clé et qu’elle monte souvent ici à l’improviste. Elle ajoute que Léna l’avait informé de ma venue pour le lendemain et qu’elle comptait justement partir au matin. C’en est assez. Il faut que je me retrouve seul, sinon il se pourrait bien que je lui demande de rester plus longtemps. Je prétexte un mal de tête et je m’enfuis dans la seule chambre libre.
    Je m’allonge, sans prendre le temps de me changer. Derrière les murs, le bruit d’une douche. Je me dis que moi aussi j’aurais besoin d’une douche en ce moment,
    La fatigue semble avoir eu raison de moi parce que quand j’ouvre les yeux, la chambre s’est obscurcie et le soleil ne pénètre plus que par un mince rayon au centre de la pièce. Je vais chercher ma valise et je me change. Ensuite, je me prépare un café noir à la cuisine. En fouillant dans les armoires de la cuisine, je déniche de quoi faire à manger. Pour deux.
    Peu après, la fille à son tour sort de sa chambre. Elle semble surprise de voir le repas prêt parce qu’elle me gratifie d’un sourire troublé.
    Le repas. Elle ne dit pas grand-chose. Elle a l’air d’avoir de la réserve à parler d’elle. Moi aussi, je n’ai pas envie de discuter des choses que je suis venu oublier ici. Alors j’oriente la conversation vers la beauté de la vallée. Elle partage visiblement la même passion pour la simplicité de la région. Néanmoins, je n’écoute que très peu le récit de ses promenades et de ses baignades dans les eaux glacées parce que je suis littéralement suspendu à ses incroyables lèvres, ses minces lèvres, irréprochables, qu’elle bouge avec sensualité.

    Dehors, la nuit commence à tomber. Je retourne dans ma chambre, j’enfile un pull-over chaud et j’emmène mon paquet de cigarettes sur la terrasse. Les étoiles brillantes, le ciel pour moi et la lune gonflée d’orgueil. Pas de trace de la mystérieuse inconnue. Est-elle dans sa chambre ? La douce luminosité de la nuit, je peux deviner la rive en face. Je ne sais même pas son prénom. Est-elle dans sa chambre ? La lune gonflée d’orgueil.
    Je ne sais pas combien de temps je reste là, à contempler le ciel, fumant mes cigarettes, avant de remarquer sa présence à côté de moi. Elle ne me gêne pas. Le ciel est bien trop vaste pour moi.
    La lune, les étoiles. Et la belle inconnue. La nuit claire, la rumeur des eaux du lac.  Je suis enivré. Nous restons là, en silence. J’ai envie de laisser les secondes filer. Pour voir ce que la nuit nous réserve. Egalement parce que j’appréhende le moment où je devrai lui parler. Il y a quelques jours, dans une autre vie, j’aurais été à mon aise. Il aurait alors suffit d’une parole juste, un compliment bien placé, pour initier la danse. Mais maintenant, tous ces mots semblent futiles.
    Je sais que cet instant est fragile, et qu’il suffit d’un nuage, un souffle un peu trop fort pour que la réalité revienne. Il faut que je fasse quelque chose. Seulement, j’ai peur.
    Elle s’en va. Je vois sa silhouette s’obscurcir peu à peu, en s’enfonçant dans la nuit, en direction du lac. Quel idiot. Je la devine, couchée sur le dos, sur le ponton. Je ne sais même pas son nom. Et pourtant, je sais que quelque chose nous attend. Je ne crois pas au destin, mais j’ai beaucoup de peine à me faire à l’idée de cette rencontre fortuite. Après quelques instants, je la rejoins. Je m’allonge auprès d’elle. Je lui parles des étoiles que je connais. De celles que je ne connais pas surtout. Elle s’amuse à réinventer les constellations. Je me prends à son jeu et bientôt, le ciel se retrouve balisé de noms étranges. Le ciel pour nous. Je ne veux pas laisser le silence tisser sa toile. Je ne veux pas me laisser ronger par les doutes. Je prends les devants. Je lui dis que ça me fait du bien, de partager ce moment avec elle. Pas de réponse. Mais son bras se colle au mien. J’en profite pour saisir sa main. Elle ne lutte pas longtemps. Je détourne la tête dans sa direction. Je vois des larmes glisser sur ses joues rosies. Peut-être essaie-t-elle encore de comprendre. Moi, j’ai renoncé. Je la vois qui veut parler. Je pose mon index sur ses lèvres, ses fines lèvres un peu rêches. Ses yeux m’évitent. Elle semble encore chercher un secours, une réponse, dans la nuit. Je lui laisse le temps. Elle semble si vulnérable.
    Le souffle rauque, la tête remontée, son cou offert Et son souffle.  Je l’ai emmenée dans ma chambre. En silence. Elle ne s’est pas débattue. Ses yeux qui se ferment, mes yeux qui ne veulent rien perdre.  La chaleur de son cou sous mes lèvres. Mes lèvres qui remontent. Sa bouche fine et délicate qui fuit, dans un mouvement de tête exagéré. Je l’ai posée délicatement sur le lit. Son ventre nu qui se soulève rapidement. Ma main posée sur son ventre. Ma main exaltée sur son ventre nu. Ses seins fermes, ses aréoles rosées, ses seins qui se dressent. Je l’ai posée délicatement sur le lit.
    Et puis son souffle chaud. J’ai une furieuse envie de l’embrasser. Elle ne me résistera pas cette fois. Elle ne me résiste pas et mes lèvres entremêlées avec les siennes.
    Les mouvements sont fluents et saccadés à la fois. J’ai ôté un à un ses vêtements. Lentement. Pour ne pas succomber à la pulsion qui grandissait. Les gestes sont beaux, simples. Instinctifs. Mon silence quand je l’ai contemplée nue. Ses soubresauts, parfois, lorsque ma bouche découvre la douceur de ses jambes. Son sourire, quand je lui ai dit que je la trouvais très belle. Mes yeux qui n’en peuvent plus de rester ouverts, mes yeux qui se ferment pour ne pas se consumer. Et la sueur sur mon front, qui perle le long de mes tempes bouillantes. Mon souffle chaud, ma tête dans le creux de ses épaules. Sa main sur mon dos. L’envie croît, devient insoutenable.
    Je ne contrôle quasiment plus mes mouvements. Je suis guidés par les sons presque imperceptibles qui sortent de sa bouche, collée contre mon oreille. Guidé par ses mains tenant fermement son dos, le lacérant à demi, jusqu’à la fin. Je me sens comme un pantin maladroit attaché à une ballerine de cire.  Et le désir, qui atteint des sommets inimaginables, jusqu'à l’exaltation.
    Je l’observe dans son sommeil. J’essaie de repousser la venue du mien. Mais déjà mes yeux deviennent de plus en lourds. Mes yeux qui cherchent à se souvenir de son visage, de son corps. Ma main qui serre sa main. Je crois naïvement que ça me tiendra éveillé. Il faut que je reste éveillé ! Mais déjà je sens mes yeux se fermer. Mais déjà je sens…

    Mes yeux s’ouvrent brusquement. La lumière inonde généreusement la pièce, et je fixe d’abord le plafond neutre. Puis je prends conscience et je regarde autour de moi. Je suis seul. Je me lève. La tête qui tourne, je suis à deux doigts de perdre connaissance. Un doute m’assaille. Je sors de la pièce. La salle de bain est vide. La salle de séjour ainsi que la cuisine également. Sa chambre. Le lit est fait. Les armoires sont ouvertes, presque béantes parce que dépossédées de ses affaires. Elle est partie. Un horrible doute m’assaille.
    Je parcours chaque pièce de la maison encore une fois à la recherche de signes de sa présence.
    Puis je reviens dans ma chambre. L’oreiller. L’odeur de ses cheveux sur l’oreiller. L’odeur âcre de notre nuit sur les draps. C’est tout ce qu’il me reste. La maison terriblement vide sans elle. Ma présence qui n’a plus aucun sens.

    15h37, le train s’arrête en gare. Le quai est vide. Je monte, sans jeter un regard en arrière. Je me sens terriblement excité, comme un gamin qui prendrait le train pour la première fois.


    1 commentaire

  • Le métro est certainement aussi plein que ma tête, où alors est-ce l'inverse. N'empêche que les portes sont ouvertes, béantes, devant moi, et qu'il faut bien que je me décide à entrer. Une bouche monstrueuse, colossale, chaleureuse. C'est tentant. Je me glisse avant que les portes se referment. Ici, c'est rempli de chaleur humaine, c'est magnifique. Je me faufile derrière deux types bien trop grands pour être réels, presque factices, et une charmante demoiselle adossée contre la paroi métallique du wagon, dans ses pensées. Je lui partagerais volontiers un peu de cette chaleur humaine. Mais voilà, le métro se met en marche et je n'ai bien sûr pas songé à m'accrocher à autre chose que mon imagination, et j'entends déjà les grommellements des pauvres gens que je bouscule derrière moi. Je me confond en excuse, ou peut-être pas. Je suis content parce que je remarque que la jeune demoiselle me regarde en souriant, mais déjà je sens mes joues rougir et je disparais, dans les profondeurs du sol. Il faut que je me trouve une contenance, alors je me mets à fixer le plafond, l'air gentil. Les autres doivent certainement me prendre pour un idiot, mais tant pis, je descend à la prochaine station.


    1 commentaire
  • Avec ce genre de personnes, il vaut mieux se montrer le moins possible. J'ai répondu oui, parce qu'un oui est plus court qu'une mauvaise explication. Ensuite, Thé m'a semblé la boisson possédant le moins de syllabes à prononcer, et puis je suis aussi pas mal habitué à prononcer ce son, quand je prononce mon nom. C'est normal, je m'appelle Vernon. Il m'a demandé la sorte. J'ai répondu menthe, et à vrai dire, je suis maintenant incapable de vous dire pourquoi. Ça ne veut pas dire que, sur le moment, j'aie pu vous le dire. Je ne sais tout simplement pas si je le savais que il m'a demandé « à quoi ton thé ». Ensuite la fille providentielle est arrivée. J'ai bu mon thé, me suis franchement bien brûlé, et me suis excusé auprès du mec au Polo moulant (ma parole, il est presque comme celui que je porte à l'instant, sauf que je ne m'étais pas encore rendu compte que je n'avais pas enfilé le bon haut), je me suis excusé donc, et j'ai profité de l'apparition de la belle blonde pour suivre sa flagrance. Mais l'histoire de la fille en question réveil encore bien des humiliations, et je préfère ne pas en parler à chaud. C'est inutile, et pour l'instant j'en suis à giovanni. Non, à Franco, qui a enfin pu monter ses Giovanni par une belle soirée de soleil pluvieux et ensoleillé. Giuseppe, je veux dire Franco, me ressemble pas mal, au niveau apparence, s'entend. Grand comme je suis svelte, élancé comme je suis grand, on nous prend souvent pour des frères. C'est assez curieux, mais c'est vrai. Alors que je ne sais pas si c'est un vrai cousin.

    <o:p> </o:p>

    Une anecdote mérite un peu le détour. Je veux dire que cette dernière ne m'a pas vraiment laissé le choix. Il faut dire qu'elle était un peu trop imposante pour ma petite voiture rose marron et que j'ai du faire un détour. Ce détour est la raison de mon arrivée tardive ce soir, retard qui aura, je l'apprendrai en même temps que vous, de fâcheuses conséquences.

    Bref. Il faut savoir que devant une anecdote bien placée, je ne rebrousse jamais chemin, sauf en cas d'extrême nécessité. Il faut user le rebroussement avec parcimonie. Comme le travail, du moins. C'est pourquoi je rebrousse rarement mes manches.


    votre commentaire
  • Ce matin du 25 septembre, Monsieur H, âge mûr, naît dans sa petite chambre, 17 rue Honoré.

    Monsieur H. aime les œufs fatigués, le matin, quand le café est encore tiède, surtout en lisant le journal de la veille. Ses yeux sont encore un peu brouillés, les lettres se dissolvent et se transforment. Et le voilà au milieu d'un article dans les dernières pages du quotidien, vantant les délices de ses petites recettes. Les recettes de monsieur H. Mais voilà, monsieur ne sait pas cuisiner. Il préfère sourire. Et puis, au fond, il est un peu trop vieux pour ces poussées d'ambition du matin. Par contre, ses géraniums sont tout à fait corrects.

    <o:p> </o:p>

    <o:p> </o:p>

    Lorsqu'il n'oublie pas ses lunettes à la maison, monsieur H. lit le journal à Madame F. qui habite deux immeuble plus loin. Le cas échéant, il prend un malin plaisir à broder un peu au fil de son inspiration et selon les gros titres. Pendant ce temps là, Madame F, heureuse, invente un collier de perle à sa petite fille Jeannette.


    votre commentaire
  • Il y a cette fille là, assise à regarder son verre, et moi, justement. Bordel je me suis encore mis dans une situation pas possible. Je n'ai pas su répondre à sa remarque piquante. J'aurais du me défendre. Mais je ne suis parvenu qu'à sortir un grebelele de ma bouche. D'un mouvement lent et réfléchit, je lève mes mains pour ajuster mon col. Et je remarque que je n'ai pas mis mon polo fétiche et que, par conséquent, je n'ai point de col à ajuster. C'est terrible.

    <o:p> </o:p>

    J'ai la migraine. Un peu. J'ai envie d'aller aux toilettes pour m'oublier quelques instants. Mais voilà, la fille se trouve entre moi et les toilettes, et je ne peux décemment pas emprunter ce chemin et prendre le risque de recevoir une nouvelle insanité de la part de cette imprudente, qui est précisément la cause de ma migraine, et certainement de la pauvreté dans le monde, et certainement aussi de l'affreux tableau qui gît sur le mur en face de moi.

    J'aimerais qu'elle ne soit pas là. Je me dis aussi que, finalement, si elle n'était pas là, et sa remarque piquante non plus, je n'aurais certainement pas cette migraine. C'est un paradoxe et je hais les complications. Ça me confirme quelques peu dans ma migraine. J'entre dehors. La pluie caresse les lunettes de soleil de Franco, qui a choisit cette belle matinée ensoleillée pour monter ses Giovanni. 

    Ça y est, il m'a repéré. Je me dandine un peu pour détourner l'attention. Il ne doit pas remarquer que j'ai mis le vieux T-shirt que Lola m'avait offert pour mes 20ans, la semaine dernière. Je me fais vieux. Donc, je détourne son attention avec une démarche fraîche et onctueuse, comme les crèmes de tante Augustina.

    Il me tend une cigarette de son paquet écrasé de parisiennes. J'en prend une en le regardant dans les yeux. J'ai ainsi l'impression de détourner encore son regard, pour voler furtivement une cigarette malencontreusement laissée à portée.

    <o:p> </o:p>

    Je me vois désolé de m'emporter. Je fais l'inventaire de ce que j'ai bu : non, décidément, rien de bien méchant, si ce n'est un thé à la menthe curieusement opaque de la dite tente Augustin. Je veux dire de la tente efféminée qui se prénomme Augustin et qui m'a abordé ce soir pour m'offrir un verre.

    <o:p> </o:p>

    Je me dis que si je ne me sens pas libre maintenant, quand le serais-je ? Je veux dire que, je suis bien conscient que je perds consistance au fil de la soirée, que Mona n'est désormais plus qu'un vague souvenir conjugué à la troisième personne, que j'ai déjà fais la cour à sa sœur Gina, et que je compte bien recevoir le râteau par courrier d'ici quelques instants privilégiés.

    <o:p> </o:p>

    Bon Dieu, j'ai vraiment besoin d'une bonne parenthèse : (il est à noter que mes idées parfois filent aussi vite qu'elle viennent, et que par conséquent je dois écrire rapidement et que, par conséquent, j'ai de la peine à me relire et, conséquemment, parfois, tout cela me donne un peu mal à la tête).


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires